Paris Nice? Non, Paris Cancan.

Chanter, Danser, Jouer la comédie: la Belle Époque! Sous la houlette de l’excellente Daphné d’Heur:

Gouaille parisienne, Cocottes, Chahuts, Froufrou, froufrou… Ode à la vie.

Sous les lumières de l’artiste Philippe Catalano, voici venues Les années folles. Elles mettent un pied fabuleux sur le célèbre plateau du Théâtre Royal du Parc à Bruxelles. La Tour Eiffel, Le Moulin Rouge, le célèbre pont des vivants qui enjambe le cimetière des morts, nous sommes au coeur de Montmartre.

Tout est là, avec cette merveilleuse complainte de la Butte. Un décor grandiose qui touche les étoiles et s’éteint dans la tombe est né dans l’imaginaire de Thibaut De Coster et Charly Kleinerman, amis d’enfance. Une ode à la vie, et même, pourquoi pas, à la splendeur de la lumière éternelle comme le souffle si finement la fin du spectacle.

Tout cela, grâce à la très fertile plume de Thierry Debroux, qui enchaîne humour, modernité et moult connotations de notre joyeux patrimoine culturel. Grâce bien sûr aussi à l’ardente voix et au jeu gracieux de l’héroïne, Camille, une jeune fille marquée par une jeunesse tragique, qui ne cesse d’éclore et de se métamorphoser tout au long du spectacle. Dans cette création très réussie, on retrouve la juvénile Romina Palmeri, qui balance entre ombre et lumière, passion et retenue, sensibilité à vif et l’éclat étincelant de la réussite.

Une ode à la vie grâce à l’omniprésence et l’humour débridé d’un certain … Toulouse Lautrec et ses cartons, un avatar élégamment moustachu, étonnant et malicieux campé par la talentueuse Karen de Paduwa, le pilier tellement bohême et excentrique du théâtre du Parc.

Une ode à la vie, avec le clou du spectacle – bien décidé à le rester pour l’éternité,ce qu’elle fit – ce n’est ni plus ni moins que La Goulue en chair et en os, au coeur à la fois jaloux et généreux, sans cesse revisité par ses blessures, en perpétuel mode de raccommodage, via un argot parisien truculent, 100% garde républicaine. C’est Perrine Delers, un phénomène à elle seule, qui fait vraiment le poids et enflamme avec passion nos grandeurs et nos décadences.

À ses côtés, Charles Zidler, ZiZi pour les intimes, en costumes extravagants, impressionnant par sa gouaille, ses avis tranchés, ses fragilités aussi, ses rêves de Don Quidanse…. C’est un formidable Emmanuel del’ Erba débordant de vitalité et d’humanité.

Dans un monde qui nous révulse de toutes parts, alors que la planète souffre des délires humains les plus atroces, voici un spectacle captivant, résolument moderne et fondamentalement historique, pour ne pas oublier qu’il y a de la joie à travers les souffrances et pas seulement du chagrin et de la mort.

Et si notre époque est bridée par mille et un wokismes, voici donc un spectacle qui ose la baliverne, les levés de jambe, qui évoque les soirées délurées du Moulin Rouge et de la place Pigalle, ne frémit pas devant de nouveaux interdits, épouse de près les sentiments, se moque de la police – merci Gauthier Bourgeois – et célèbre une musique vibrante jouée par l’inimitable Mickey Boccar dans son rôle de Gueule d’amour. Blagueur, il joue … à cache-cache et se veut invisible jusqu’au salut final: tout pour la musique. Ce miroir de l’âme, fait littéralement corps avec l’instrument préféré de Scott Joplin, bondissant à chaque nouveau tableau sur le plateau pour sonder les coeurs et faire avancer l’intrigue.

Quant à Emmanuelle Lamberts, maître de la chorégraphie, elle nous ravit par son hommage à l’histoire de la danse. Dans son viseur: tant le ballet classique que le contemporain, le tango, le jazz, les claquettes et la danse percussive, le voguing, la valse… sont les éléments complices qui ourlent le spectacle. En tout, une vingtaine de chorégraphies, sans compter bien sûr les cancans de la Ville Lumière, authentiques ou parfois moqueurs.

Le tout se déroule sous la baguette audacieuse d’un orchestre virtuel tou à fait crédible sur une composition musicale explosive et très éclectique d’Amélie Hayoz et Fabian Fiorini.

Un dernier mot: ne manquez pas de vous procurer le petit joyau, ce splendide programme, numéroté? rédigé avec humour gracieux par Sarah Forent et Daphné D’Heur, et qui marque pour le Théâtre Royal de Parc, l’avènement de la première comédie musicale signée Thierry Debroux. Franchement digne de ce nom, cette comédie musicale a été taillée sur mesures pour tous les artistes enthousiastes du théâtre du Parc, anciens et nouveaux. Ah! L’inoubliable et charmant comte russe, Alexis! Ah ! Les exquises danseuses: en tête, Jane Avril, et toute son équipe: Nino Patte-en-L’air, Yvette, Grille d’Egout, la môme Fromage, … et l’inoubliable Valentin le Désossé! Dans une série de costumes aux couleurs de Toulouse Lautrec.

Vive la liberté!

Dominique-Hélène Lemaire, Deashelle pour Arts et Lettres

Théâtre Royal du Parc Rue de la Loi, 3 1000 Bruxelles 02 505 30 30

Mise en scène/ Daphné D’Heur, Assistanat/ Catherine Couchard

Composition musicale/ Fabian Fiorini et Amélie Hayoz, Chorégraphies/ Emmanuelle Lamberts

Scénographie/ Thibaut De Coster et Charly Kleinermann, Lumières/ Philippe Catalano

Costumes/ Chandra Vellut et Cécile Manokoune, Maquillages et coiffures/ Florence Jasselette