Des vocalises qui tombent du ciel !

« Callas, il était une voix » a été créé​ le 19 septembre 2017 à Louvain-la-Neuve, au théâtre le Blocry,  en  première de saison.   Dépouillée, enjouée, virevoltante et dramatique, la mise en scène créative et fantomatique très habile est signée Patrick Brüll. On attendait l’entrée de la diva par le miroir, elle a choisi la fenêtre ! L’apparition du spectre de Maria Callas gêne aussi peu que les fantômes dont Georges Brassens était amoureux, tant la comédienne est belle et son jeu d’actrice fascinant!

C’était tremblant, c’était troublant,
C’était vêtu d’un drap tout blanc,
Ça présentait tous les symptômes,
Tous les dehors de la vision,
Les faux airs de l’apparition,
En un mot, c’était un fantôme !

 Maria Callas  disparaît à 53 ans le 16 septembre 1977,  il  y a tout juste quarante an. Figure de proue dans l’histoire de  l’interprétation musicale, elle l’a bouleversée et est devenue une légende!

Quelle alliance artistique ! Dramaturge, romancier, scénaristeJean-François Viot s’en empare et propose une écriture théâtrale construite comme une tragédie grecque à laquelle il ne  manquerait  que les chœurs ! « L’impuissance d’un personnage qui plie devant la force implacable du destin. Le premier acte où on apprend qui il est. Le second, où tout se passe bien encore mais où arrive le petit grain de sable qui va détraquer la machine. Le troisième, où il pense qu’il va s’en sortir. Et puis la suite, quand tout s’effondre. » …C’est tout Maria Callas, volontaire et fragile, émouvante et indisciplinée! Et pourtant, sur le plateau, dans ce deux-en-scène, que de bienveillance partagée, quel sens aigu de l’humour!

 Bouche rouge, l’impératrice en noir et blanc, ombre et lumière, soufflante d’élégance, sertie dans une  courte robe  Dior, joli collier de perles trois rangs, coiffure en chignon superbement lissé qui n’aurait rien à envier à Evita, se confie et  savoure ses derniers frissons d’entre-deux  vies  avec le journaliste, François Grenier. L’occasion de laisser un testament en chair et en os? Décidément, Brassens ! Quelle époque, ce 20e siècle, écrin de tous les rêves  les plus fous après les misères du plus jamais ça !  Va-t-elle instiller, à la vue de ses bras si gracieux faits de chair de pomme,  un souffle  nouveau d’enthousiasme romantique au jeune journaliste du 21e siècle  en lui offrant ses hurlements de plaisir et les dernières gorgées de ses profondes  émotions?

La dame évoque l’arrachement à la terre natale, ses féroces combats dès l’enfance, l’amour de son père,  le rêve américain,  sa pugnacité devant  les échecs répétés, l’immortelle tragédie grecque qu’elle transporte dans ses veines,  et sa conquête de la voie royale!   La voix module les souvenirs, se passionne pour les grands airs d’opéra, vocalise l’émotion, susurre ses rêves les plus fous: le déluge de frissons. Le chant résume le tout!  Elle captive un public bouleversé : «  Tout cela pour obtenir si peu ? Une poussière de rien, niente ! » C’est Anne Renouprez avec ses yeux d’icône orientale, dans toute sa splendeur lyrique et théâtrale.

Le jeune journaliste trentenaire qui l’interview dans son studio tombé du ciel, c’est Alain Eloy, qui, sans le moindre changement de costumes, par la simple magie théâtrale de la voix et des postures,  explose à la façon d’un prestidigitateur, la mosaïque de personnages imaginés qui fusent et s’évanouissent comme des bulles de champagne! La confidence et la complicité se font si vives, que la diva devient le maître du jeu, question de lui faire entrevoir le bien-fondé de l’amour vécu qui rend si vain  l’affolant déluge des frissons…

Dominique-Hélène Lemaire, pour Arts et Lettres

crédit photos Gael Maleux

Auteur Jean-François Viot Dramaturgie Patrick Brüll, Catherine L’Hoost Mise en scène Patrick Brüll Avec Alain Eloy, Anne Renouprez Lumières Laurent Kaye Son Eric Degauquier Coiffures et maquillages Sara Oul Régie son et lumières  Eric Degauquier Habilleuse Emmanuelle Froidebise Construction décor Jean-Philippe Hardy, Manu Maffei Direction technique Jacques Magrofuoco Assistante à la mise en scène Daphné Liegeois Stagiaire Aurélie Swiri Remerciements Sébastien Fernandez, Claude-Pascal Perna (conseils et documentations), Saïd Belbecir (prêt accessoires vintages), Giuseppe Talamo (ténor), Fabian Jardon (pianiste), Liliane Breuer (couturière), L’ Alliange à Durbuy (accueil et logement stage préparatoire)

Une production de l’Atelier Théâtre Jean Vilar et de DC&J Création. 

http://www.atjv.be/

Joué à la Comédie Claude Volter du du 15 au 26 janvier 2020