le vol d’un papillon


Si on ne connaissait pas Sylvie Germain avant de terminer en quelques grandes heures de savoureuse lecture ses « Petites scènes capitales » (Albin Michel) on se précipitera certainement après un tel bonheur d’écriture pour découvrir ses autres romans qu’elle écrit depuis bientôt trente ans. A commencer par son Prix Femina en 1989 pour « Jours de colère », puis le Grand Prix Jean Giono en 1998 pour « Tobie des Marais », et le Prix Goncourt des lycéens en 2005 pour « Magnus » (Albin Michel). Elle a en outre reçu le Prix Jean Monnet de littérature européenne en 2012 et le Grand Prix SGDL de littérature 2012 pour l’ensemble de son œuvre. Chez Albin Michel, elle a publié aussi «L’inaperçu» (2008), «Hors champ» (2009), «Le monde sans vous» (2011), un hommage à ses parents et «Rendez-vous nomades» (2012). Elle vient d’être élue à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique au fauteuil de Dominique Rolin.

Dans une langue superbe, et des éclats d’émotion à vif, Sylvie Germain raconte la vie d’une petite fille inaperçue à la veille des années 68 qui vit seule avec son papa et n’a de sa mère qu’une photo usée en noir et blanc. Mais le père rencontre et épouse une nouvelle mère comme dans les contes de fées, la belle Vivianne, mère de quatre enfants. Et la suite c’est comme dans les contes de fées : bourré de petits drames qui deviennent grands. Comment trouver sa place dans cette famille recomposée qui ne cesse de se briser et de se décomposer ? Comment atteindre ou toucher le cœur du père ? Comment trouver qui elle est : Lili ou Barbara ? La question du nom est d’une importance si capitale, dès qu’il s’agit d’identité ! Comment mûrir sauvagement en secret et dans un cadre familial imposé étouffant, comment devenir femme libre et quelque peu apaisée ?

Le roman est composé à la façon de miroitements que la plume de Sylvie Germain sait capter avec grande intuition. Son instinct d’écrivain lui fait saisir la petite scène éphémère et anodine qui aura une importance capitale dans le parcours initiatique de la jeune-fille. Dès que le lecteur a compris le procédé, il se passionne, et entre à son tour dans l’imaginaire très fertile de la jeune fille. Les arrêts sur image sont autant d’étapes de la constitution d’une personnalité. Ils sont faits de bonheurs, de deuils, de brisures de tensions et de refuges dans la solitude. Et les questions sont universelles : Qui suis-je, d’où je viens ? Tel un papillon elle cherche la lumière dans la nuit des traumatismes et des silences qui l’entourent. Le besoin d’amour est fondamental : « L’amour, ce mot ne finit pas de bégayer en elle, violent et incertain. Sa profondeur, sa vérité ne cessent de lui échapper, depuis l’enfance, depuis toujours, reculant chaque fois qu’elle croit l’approcher au plus près, au plus brûlant. L’amour, un mot hagard. »

L’écriture est légère, fine, précieuse comme le vol d’un papillon rare et le poudroiement de ses ailes. Epinglez cette lecture qui est inscrite dans les livres choisis pour l’attribution du Goncourt 2013.

http://www.albin-michel.fr/Petites-scenes-capitales-EAN=9782226249791