Brûlante soirée d’ouverture le vendredi soir au Lille Piano(s) festival 14-16 juin 2019
Si on n’avait pas rendu visite à Thierry Escaich, l’organiste virtuose globe-trotter qui œuvrait à Notre Dame de la Treille dans l’après-midi, tout a débuté le soir à l’auditorium du Nouveau Siècle par un riche programme d’ouverture : le concerto nr 1 de Liszt avec Louis Schwizgebel en soliste et le 5e concerto de Camille Saint-Saëns avec Bertrand Chamayou. Deux artistes renommés et couverts de lauriers internationaux. Jean-Claude Casadesus à la baguette sera plus intense et exalté que jamais.

Les quatre mouvements du concerto de Liszt s’enchaînent avec bonheur rhapsodique sous les doigts félins mais tendres de Louis Schwizgebel, comme en témoignent ses premiers échanges avec la clarinette. Ensuite bien sûr le développement devient musclé, ample, presque océanique. Les bruissements ailés du piano se frottent aux cuivres qui restent humbles tandis que le reste est jeux d’encens semblant monter vers le ciel. Les violons déploient la mélodie, écrin où se glisse la fleur pianistique: une cadence délicate, habitée de merveille. De très belles oppositions de lumière et de fracas menaçants s’enchaînent mais un large morceau distillé avec humour semble appeler une cohorte de sylphides. L’œuvre intense d’un triangle devenu rayonnement solaire. Chose rare pour cet instrument généralement discret. Aube de la joie et du bonheur lumineux qui éteindront victorieusement les derniers roulements de tonnerre. Jean-Claude Casadesus, a été galvanisant, Louis Schwizgebel, poétique. Tous deux accueillis avec les clameurs des spectateurs.
En deuxième partie de programme, la passion montera de plusieurs crans dans le 5e concerto de Camille Saint-Saëns avec Bertrand Chamayou. Il abrite une véritable cathédrale des vents par le mystère d’une enfilade de légatos émouvants. Les cuivres sont précis. Les pizzicati des violons dansants. La matière musicale est en effervescence. A travers la rondeur des sonorités, et les mugissements des cordes, le pianiste et les bois flirtent avec la lumière. Les tableaux paisibles et élégiaques se déclinent en miroitements subtils. Puis c’est le grand jeu de couleurs, des tempi de flamenco, du sacrifice et de la vengeance de la passion. Le finale est un kaléidoscope d’exaltation été de frémissements. C’est somptueux, galbé, un bouillon de féerie.
Le bis est à quatre mains: Louis et Bertrand, chatouillant ensemble un conte de la mère l’Oye. Pure joie pianistique et notes d’humour avec une double chiquenaude dans le ventre de l’instrument. L’ovation méritée recommence, les courbettes n’en finissent plus. Le sourire est partout.
France Bleu Nord est partenaire de l’Orchestre National de Lille pour son programme » Lille Piano(s) Festival 2019″. Retrouvez le concert d’ouverture du vendredi 14 juin ce vendredi 28 juin à 22h.

Et ceux qui en voulaient encore ont pu aller applaudir le récital de la pianiste Vanessa Wagner en concert intime, sold out sur la scène du Grand siècle, dans une ambiance recueillie. Elle intrigue et fascine par son clavier bouillant de pulsations vitales et de bourdonnements fertiles. Ses notes basses lancinantes semblent être un hommage à quelque chose de sacré, entraînant les spectateurs dans une quête. Elle jette alors en pâture des sonorités éclatantes sous le signe de l’urgence. Puis transite vers la mélancolie : des demi-tons de chagrin et de sanglots longs. Le toucher précautionneux ne cesse de caresser le clavier sacralisé. Sous ses doigts semble naître une aube nouvelle. Des jeux d’eau : du gel intense à l’eau vive et libre. De scintillements en saveurs hypnotiques. Portée par un voyage intérieur auquel elle nous convie –ensorcelante ? – aux frontières du réel?
Dominique-Hélène Lemaire , Arts et Lettres